Bulletin municipal n° 1 – juillet 1983
Maître Goussard, notaire à Châteauneuf, a bien voulu montrer à la commune de Châtenoy une affiche dont voici le texte :
« Vente par adjudication en la maison d’Ecole de la commune de Châtenoy, et par le ministère de Me LEURET, notaire à Châteauneuf sur Loire, commis à cet effet en deux lots
1° D’une maison sise à Châtenoy.
2° D’un moulin à vent sis au même lieu avec faculté de réunion des deux lots.
L’adjudication aura lieu le dimanche 2 février 1873, une heure de relevée.
On fait savoir à tous ceux qu’il appartiendra, qu’aux requêtes, poursuites et diligence de M. Paul DESBOIS, avocat, docteur en droit, secrétaire de la chambre des notaires d’Orléans, demeurant à Orléans, boulevard du chemin de fer, Agissant au nom et comme curateur à la succession déclarée vacante, de M. Pierre-François SEVIN, en son vivant ancien marchand d’étoffes, demeurant à Châtenoy où il est décédé (…)
Il sera, le dimanche 2 février 1873, en la maison d’Ecole de Châtenoy (…) procédé à la vente par adjudication au plus offrant et dernier enchérisseur à l’extinction des feux et après l’accomplissement de toutes les formalités par la loi, des immeubles dont la désignation suit :
1er lot
Un corps principal de bâtiment, construit en pierres et couvert partie en tuiles, partie en ardoises, comprenant : chambre à feux ouvrant au levant sur la cour et éclairée au nord sur le chemin de Bellegarde, communiquant au couchant par une petite porte au fournil ci-après.
Fournil, dont l’entrée principale est sur le chemin de Bellegarde, est éclairée du côté nord par une petite fenêtre sur ce chemin ; dans cette chambre, four dont la motte est en dehors sur le jardin, aspect du midi.
Greniers au-dessus de ces deux chambres ; on y monte par une échelle adaptée à la lucarne qui ouvre au pignon levant du bâtiment ; le sol du grenier est en forte terre gâchée.
A la suite du fournil, et y attenant, côté couchant, écurie en appentis, ouvrant au nord et sur le chemin de Bellegarde.
Au midi de la première chambre et y attenant, toit à vaches ou à porcs ouvrant sur la cour au levant.
Autre petit bâtiment isolé à l’angle sud-est du jardin dont on va parler ; ce bâtiment sert de toit à volailles.
Cour en avant de ces bâtiments, puits ou citerne à l’angle nord de ce bâtiment près d’une loge en bois et torchis qui appartient au locataire.
Et six ares environ de terrain à jardin tenant à ces bâtiments, avec et y compris leur emplacement, le tout limité au nord par le chemin, du couchant et au midi par Morin, haies vives de ces deux côtés, du levant un chemin de service qui sépare les dépendances de la maison avec une terre du sieur Sifflet ; le long de ce chemin est un grand fossé ou fosse à eau, établi par le
défunt sieur Sevin. Sur la mise à prix de trois cent cinquante francs, ci 350 fr.
2ème lot
Un moulin à vent sur assises de pierres, posé dans le jardin sus-désigné et qui sera vendu à déplacer par l’acquéreur.
Ensemble ses ustensilbes y existant et accessoires en dépendant, ses tournants, vivants et travaillants.
Il est muni d’une paire de meules avec bluterie et agrès.
Sur la mise à prix de cent francs ci 100 fr.
Dans ce texte, on décrit une maison d’il y a un peu plus d’un siècle, dans son cadre de haies vives, de fossés, dans la disposition de ses pièces et dans ses matériaux. Une partie de cette maison existe toujours, avec sa silhouette d’origine, avec les traces du puits, au lieu-dit : « Maison Rouge », dans la propriété de M. et Mme Gautier, près de la route qui mène du bourg de Châtenoy au Pont Gané (ancien chemin de Bellegarde).
On peut noter une erreur d’orientation : ce qui est appelé le nord est en réalité l’est. Pierre-François Sevin est décédé le 22 mai 1871, à l’âge de 56 ans, au « Bon Cogné ».
On décrit également un moulin à vent, modèle d’utilisation d’une énergie gratuite et renouvelable, qui occupait l’emplacement de la maison de M. et Mme Gautier. Ce moulin n’existait pas en 1837, dit le cadastre (F 76 bis). Il fut probablement utilisé par le père de Pierre-François Sevin, lui-même prénommé Pierre, qui était meunier. Le moulin sera démoli vers 1880.
Un morceau de meule sert de pas de porte à une maison voisine, celle occupée par M. et Mme Tudal.
L’ensemble des deux lots deviendra à la suite de cette vente propriété de la famille Sifflet.
Les documents du cadastre nous permettent d’évoquer 3 autres moulins à vent sur le territoire de Châtenoy (Sury-aux-Bois a pu en compter au moins 7 !) et évidemment un moulin à eau. Ce dernier, construit à l’endroit de la commune où l’Huillard est le plus vigoureux, le moulin de Blézine, (B 48) appartenait en 1813 à Bourgeois de Sury.
Le seul moulin à vent mentionné en 1813 (B 95 bis), propriété de Pierre Pivoteau, était pour proche du moulin de Blézine, vers l’est, sur une parcelle à l’heure actuelle propriété de la famille Bontemps.
Un autre aura, au Bois Cognet (F 92 bis), une existence éphémère semble-t-il, puisqu’il figure dans les constructions nouvelles en 1875 et qu’il fut démoli vers 1884. Jules Bidault en fut propriétaire.
Celui dont les ailes ont été les dernières à tourner (Il était le seul soumis à l’impôt en 1882), on peut encore en voir les meules chez M. Philippe Vacher. Il est présenté comme construction neuve en 1869. Il appartenait à ce moment à François Moreau-Chanceau, meunier aux Bruyères (F 36). Il fut démoli vers 1900.
Les moulins de Châtenoy n’étaient pas des moulins en briques ou en pierres dont seuls le toit et les ailes pivotent au sommet de la tour cylindrique comme on peut en voir par exemple en Vendée. C’étaient des moulins à « chandelier », construits uniquement en bois, dont toute la masse s’ébranle autour d’un tronc vertical (appelé bourdon), orientés face au vent dans un espace dégagé de tout obstacle grâce au gouvernail de direction ou « queue » passant dans l’escalier suspendu.
Quand il ne dispose pas d’un treuil, le meunier cale ses épaules sur deux butoirs à l ‘extrémité de la queue et pousse, arc-bouté presqu’à l’horizontale, bloquant ses pieds aux pierres prises dans la terre en cercle autour du moulin.
Le mouvement des ailes, entoilées jusque vers 1840 puis progressivement équipées d’un ingénieux système de planchettes dont on pouvait régler la surface depuis l’intérieur du moulin (système Berton) – est transmis à la meule supérieure ou « volant ». Cette dernière écrase le grain pénétrant par son évidement central contre la meule inférieure immobile ou « gisante ».
Les surfaces des meules sont rugueuses et doivent être régulièrement entretenues avec un marteau spécial. On peut en régler l’écartement et obtenir des produits plus ou moins fins.
Le grain écrasé, évacué des meules par la force centrifuge, descend à l’étage inférieur. Il y est trié dans le blutoir, long cylindre incliné pourvu de tamis de finesses différentes, tournant sur lui-même grâce au mouvement des ailes. Depuis la farine fine jusqu’au son, les différents produits pourront être ensuite ensachés, et servir à la consommation humaine ou animale.
Même si on dit que le meunier profitait largement du grain que le cultivateur lui confiait, ce dernier pouvait contrôler le service qui lui était rendu, recevoir « sa » farine, « sa » nourriture pour les animaux. La minoterie industrielle qui a contribué à la fin des moulins a installé un système perçu comme mystérieux, lointain, compliqué, a grandement retiré son pouvoir au producteur créé des intermédiaires…
Maquette de moulin réalisé par André Chambault offerte à la Mairie de Gien. Elle sera prochainement exposée au public.