Bulletin municipal n° 33 – janvier 2000
Sources : Archives municipales, souvenirs de Castanéens…
Il fallut les découvertes du 19ème siècle sur l’électromagnétisme pour que la voix humaine puisse être convenablement transmise et reproduite à distance. En 1876, l’Américain Alexander Graham Bell réalisa et présenta les premiers appareils transmettant la parole à travers une ligne électrique d’environ 3 kilomètres. En France, des réalisations ont démarré à partir de 1880 et le téléphone est devenu monopole d’état en 1889. L’évolution du nombre de lignes d’abonnés sur le réseau parisien est significative : 45 000 en 1910, 65 000 en 1914, 120 000 en 1925, plus de 200 000 en 1932 dont la moitié environ en automatique, 1 200 000 en 1971.
Pour Châtenoy, la date clé est le 10 février 1910. Ce jour-là, le Conseil municipal, après avoir pris connaissance d’une circulaire du Directeur des postes et télégraphes du Loiret, adopte à l’unanimité le principe de l’installation du téléphone dans la commune et prendra les frais à sa charge. Il s’agit bien entendu de l’installation d’un seul poste téléphonique, qui servira à l’ensemble de la population, et dont la gestion nécessitera une organisation. Jusque-là, c’est le courrier qui était exclusivement utilisé, les cartes postales en particulier, qui nous donnent de si touchantes images de nos communes au début du siècle. Le téléphone ajoute un atout essentiel à la communication qu’il établit : la rapidité.
Ce sera mis au point officiellement au cours de la séance du mardi 19 septembre 1911.
Le Conseil désigne François Lejarre, cantonnier-chef comme gérant titulaire chargé d’assurer la manœuvre des appareils et sa femme, née Bourrassin Caroline, en qualité de gérante suppléante (Monsieur et Madame Lejarre habitaient dans la maison, route de Bellegarde, qui fut longtemps occupée par René Beaudoin). La rétribution annuelle sera de 100 F. Eugène Goget, sabotier à Châtenoy, est nommé piéton distributeur et Alexandre Goget (mort à la guerre de 1914), sabotier au même lieu est nommé facteur suppléant. Une indemnité de 100 F est accordée pour assurer ce service. A l’unanimité, le Conseil décide que la distribution des télégrammes, messages et avis d’appels téléphoniques, sera faite gratuitement sur tout le territoire de la commune.
Le 8 septembre 1912, le Conseil apprend que monsieur et madame Lejarre, proposés et agréés pour la gérance du futur bureau téléphonique ne peuvent plus, par suite de circonstances imprévues, assurer ce service. Le Maire explique que les candidats ont été invités par publication et affiche à déposer leurs propositions à la mairie. Deux candidats, Charles Chevallier, receveur buraliste et épicier dans la maison qui porte aujourd’hui la boîte à lettres, et Eugène Goget ont soumissionné, le premier pour 180 F, y compris la distribution des télégrammes, le second 100 F pour la gérance, 100 F lui ayant été primitivement alloués comme piéton distributeur. Finalement, c’est Charles Chevallier qui sera retenu pour la manœuvre des appareils. Son épouse Zélie, née Laizeau, sera gérante auxiliaire. Etienne Laizeau, beau père du gérant (et grand-père d’André Laizeau), sera piéton distributeur avec son épouse comme suppléante.
Les choses vont se mettre en place. On en a la preuve par le compte-rendu de la séance du 20 février 1916 (C’est la guerre et ses morts). Il est donné lecture d’une lettre de madame Laizeau Z., gérante du bureau téléphonique, demandant en raison du surcroit de travail occasionné par les dépêches officielles et l’affichage du communiqué un supplément annuel de traitement de 60 F, qui lui est accordé.
Le 30 mai 1920, par suite du décès de Charles Chevallier (mort à la guerre en 1918), gérant du téléphone et de la maladie d’Etienne Laizeau, facteur du téléphone, démissionnaire, il y a lieu de pourvoir à la nomination d’autres titulaires. Ce sont les épouses de l’un et de l’autre qui prendront leur place. Madame Chevallier sera suppléée par son fils Raymond et Madame Laizeau, devenue veuve entre temps par Constantin Pelletier (père de Maurice). Le volume des communications doit augmenter et les conditions financières changent : Le 22 mai 1927, le Conseil, vu la demande présentée par madame Chevallier, fixe le traitement annuel à 150 F pour le port des dépêches dans un rayon de 1 kilomètre et la porteuse de dépêches percevra l’indemnité kilométrique fixée par le tarif des postes pour les distances au-dessus de 1 kilomètre, à partir du 1er janvier 1927.
En réalité, et on l’apprend par une délibération du 14 août 1927, la distribution en dehors du bourg, dans les écarts, sera assurée sous le régime du « port par exprès » par les soins de l’administration.
Peu de temps après, probablement à cause de dédommagements insuffisants, les titulaires du service téléphonique démissionnent. Une soumission cachetée sera organisée et madame Chevallier sera à nouveau gérante, mais pour la somme de 600 F. Le 28 février 1937 : Madame Chevallier abandonnant la charge de gérante (Elle arrête son commerce, racheté par Maurice Pelletier), deux soumissions sont déposées à la mairie, celles de Maurice Pelletier (maréchal et cafetier dans la maison de monsieur et madame Hédon) et de monsieur Griller (maçon avec épicerie-buvette dans la maison de monsieur et madame Sevestre). C’est monsieur Griller qui devient le nouveau gérant.
Le 27 janvier 1946 : Considérant que monsieur Arsène Griller, gérant de la cabine téléphonique cède son fonds de commerce à monsieur Jean Pilaudeau à dater du 1er février 1946, que monsieur Pilaudeau accepte d’être le gérant aux mêmes conditions que son prédécesseur, le Conseil le désigne comme nouveau gérant.
En 49, l’indemnité, largement sous-évaluée, passe de 500 F à 3 000 F.
Le 23 décembre 1951, Raymond Lafaye, secrétaire de mairie depuis l’année précédente, est chargé de la distribution des télégrammes (Avant lui, madame Métier a aussi fait ce travail). Raymond habitait alors à l’ancien presbytère (maison de madame Fournier).
Pour signaler l’existence d’un télégramme à porter, le gérant de la cabine utilise une petite boîte avec une manivelle placée sous le téléphone qui déclenche une sonnerie chez le porteur.
Le 13 février 1952, l’indemnité de Jean Pilaudeau, jugée dérisoire est passée à 5 000 F.
Le 1er février 1953, Jean Pilaudeau qui passe maintenant une grande partie de son activité comme facteur des PTT cède la gérance à son épouse Marcelle.
Le 6 janvier 1955, avec l’accord de la gérante est créé un service téléphonique permanent (C’était déjà pratiquement vrai auparavant).
Le 15 mai 1955, le Conseil supprime le salaire de portage des télégrammes (Chaque destinataire doit payer directement 70 F).
A compter du 1er janvier 1957, François Asselin (dit Manuel) remplace Raymond Lafaye. Monsieur Asselin va démissionner 15 mois plus tard, remplacé par Paul Blondeau qui recevra un salaire supérieur pour les portages aux lieux-dits « La Cormereau, le Bangin, La Haute Tétière, les Nicolas, la Petite Garenne et Guyardmaison », les plus éloignés du bourg.
Le 21 décembre 1958, le Conseil accepte une modification de l’installation de la cabine téléphonique, par suite de transformation intérieure de l’immeuble ainsi que pour permettre de satisfaire rapidement les cas urgents à toute heure du jour et de la nuit.
En 1959, va être installé l’automatique.
Jusque là, il fallait passer par une opératrice et lui demander un numéro dans une commune, par exemple le 35 à Escrennes. Si c’était occupé, il fallait recommencer une longue procédure. Quoiqu’il en soit, quand les communications se sont mises à foisonner, la gérance d’une cabine est devenue difficilement compatible avec l’exercice d’un commerce (aller chercher un correspondant en abandonnant les clients) ou du droit à disposer d’une vie privée.
En 1946, en plus de la cabine, le téléphone existait au château de la Rivière et dans le café-restaurant Pelletier. Tôt, Robert Bourillon l’utilisera pour son entreprise de maçonnerie.
Chacun connaît la suite, son installation progressive chez la plupart des particuliers, l’implantation d’une cabine automatique et plus récemment le développement du téléphone portable qui permet de dominer non seulement le temps, mais également tout l’espace.
Que de progrès réalisés dans ce domaine entre l’année 1910 et l’année 2000 !
L’homme s’est donné un pouvoir qui aurait paru magique autrefois, celui de parler avec les absents, quelle que soit la distance, et de rompre ainsi l’isolement. On peut penser aussi que les Castanéens de 1910 auraient trouvé profondément futiles la plupart des conversations de leurs successeurs de l’an 2000.